Victor de Chanville

Avocat au Barreau de Marseille

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Retrait d'une autorisation d'urbanisme (et droit de formuler des observations)


Catégorie : Droit de l'urbanisme

Le Conseil d'Etat a apporté récemment une précision intéressante sur le délai imparti au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme dont le retrait est projeté par l'administration, ce qui donne l'occasion de revenir sur les principes applicables en la matière.

 

L'article L 424-5 du code de l'urbanisme prévoit la faculté pour l'autorité administrative (Commune etc) ayant délivré une autorisation d'urbanisme de procéder à son retrait, à certaines conditions :

« La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ».

 

Autrement dit, le Maire ne pourra prendre l'initiative du retrait que si la décision est illégale et dans les trois mois suivant sa signature.

 

Il sera précisé au sujet de ce dernier point que le Conseil d'Etat considère que la décision de retrait soit être notifiée au pétitionnaire (c'est à dire son bénéficiaire) dans ce délai de trois mois (voir par exemple un arrêt du 13 février 2012).

 

Deux exceptions à la règle méritent d'être mentionnées, la décision pouvant être retirée à tout moment lorsque :

- la demande de retrait émane du bénéficiaire de l'acte,

- le permis a été obtenu par fraude (manœuvres du pétitionnaire dans l'objectif d'induire l'administration en erreur dans l'instruction de sa demande, afin d'obtenir une autorisation qui ne lui aurait sinon pas été accordée).

 

A côté de ces conditions de fond, le retrait est soumis à une procédure précise.

 

D'une part, la décision de retrait doit être motivée par l'exposé des considérations de fait et de droit constituant le fondement de la décision (autrement dit les dispositions légales au regard desquelles la décision est irrégulière et les raisons pour lesquelles le projet y contrevient), en application des dispositions de l'article L 211-2 du code des relations entre le public et l'administration – ayant déjà fait l'objet d'un article que vous pourrez consulter ici : http://www.dechanville-avocat.fr/Billet-38-code-relations-public-administration (codifiant l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 bien connue des praticiens).

 

D'autre part, le retrait doit respecter la procédure contradictoire prévue à l'article L 122-1 du code des relations entre le public et l'administration (anciennement article 24 de la loi du 12 avril 2000 également largement utilisé, avant sa codification, par les avocats), aux termes duquel :

« Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. 

L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ».

 

L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour présenter ses observations (qui le sont souvent par l'intermédiaire de son avocat, en particulier dans le cas d'un permis de construire autorisant un projet immobilier conséquent dont le retrait peut être extrêmement problématique) et ainsi essayer de convaincre le Maire de la régularité de l'autorisation qui lui a été délivrée.

 

C'est ici qu'intervient l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2015, qui vient apporter une précision pouvant paraître mineure mais qui peut s'avérer essentielle en pratique :

« Considérant que le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter ; qu'eu égard à la nature et aux effets d'un tel retrait, le délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme oblige l'autorité administrative à mettre en oeuvre cette décision de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un courrier en date du 16 juin 2010 a été adressé par le maire de Hure à la société Polycorn par un pli recommandé avec demande d'avis de réception qui lui laissait un délai de quinze jours, prévu par l'article R.1.1.6 du code des postes et des communications électroniques, pour le retirer ; que, dans cette lettre, le maire de Hure informait la société Polycorn qu'il envisageait de rapporter le permis de construire qu'il lui avait accordé le 7 avril 2010, et lui impartissait un délai de dix jours pour présenter ses observations ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en prenant pour point de départ de ce délai, pour estimer qu'il était suffisant, la date à laquelle le pli a été présenté au siège de la société et non la date à laquelle le courrier lui a été effectivement remis, alors que la société n'a pas négligé de venir retirer celui-ci à l'intérieur du délai de quinze jours mentionné ci-dessus, la cour a commis une erreur de droit ».

 

Autrement dit, le délai accordé au bénéficiaire du permis de construire pour présenter ses observations ne commence à courir qu'à partir du retrait du courrier recommandé que lui a adressé l'administration, à condition bien entendu que la lettre soit retirée dans le délai de 15 jours offert à son destinataire par La Poste.

 

A défaut de laisser un délai suffisant au destinataire du pli, la procédure poursuivie sera considérée comme irrégulière et le retrait pourra être annulé en justice, ce qui redonnera vie à la décision retirée.

 

 

Il est donc essentiel dans une telle situation d'être vigilant quant au respect de toutes les conditions de validité du retrait : en cas d'irrégularité, celui-ci ne sera pas valable.

 

Le rôle de l'avocat sera d'abord de formuler des observations précises et juridiques auprès de l'autorité envisageant le retrait puis, si le retrait est quand même prononcé (notamment si la décision est réellement illégale pour méconnaître par exemple un article du plan local d'urbanisme) de bien étudier tous les aspects procéduraux pour essayer d'obtenir malgré tout l'annulation de la décision de retrait devant le Tribunal administratif.

 

Pour terminer, il est notable que le refus de permis notifié après l'expiration des délais d'instruction, donc après l'obtention d'une décision tacite, peut être analysé comme un retrait et, par suite, également annulé.

 

 

Il est donc toujours permis d'espérer malgré le prononcé d'une décision de retrait !

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