Victor de Chanville

Avocat au Barreau de Marseille

141 avenue du 21 Août 1944 - 13400 Aubagne   |   Tél: 04-84-48-98-60




Contentieux et abrogation du plan local d'urbanisme


Catégorie : Contentieux locatif

 

Un plan local d'urbanisme (PLU), éventuellement intercommunal comme cela devient de plus en plus courant (PLUi, la compétence pour son élaboration dépendant d'un groupement de communes de type communauté de communes ou Metropole, à la différence du PLU relevant de la compétence d'une commune seulement), est un document de planification urbaine permettant d'organiser l'aménagement du territoire en considération de différents enjeux tels que la protection de l'environnement, les besoins en habitat (notamment social), la mobilité et les déplacements des habitants du territoire, le développement et l'organisation des activités économiques, etc.

 

Le PLUi intervient à une échelle plus globale que le PLU puisque la surface couverte est plus conséquente, en ce qu'elle inclut plusieurs communes ; cela permet d'envisager un aménagement plus global et réfléchi du territoire, au détriment du pouvoir des communes qui se dilue dans le groupement concerné même si bien entendu les Maires sont associés à la procédure d'élaboration.

 

Il est notable que les administrés sont également associés aux procédures d'élaboration de révision, de modification des documents d'urbanisme, 

à travers une phase de concertation au cours de laquelle il est possible de faire connaître ses observations et suggestions sur un projet dont seules les grandes orientations sont définies, 

ou encore lors de la phase d'enquête publique, à l'occasion de laquelle il est permis de formuler des remarques sur le projet de document d'urbanisme censé être définitif, en essayant de convaincre le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête du bien-fondé desdites remarques ; celles-ci pourront ensuite (ou pas d'ailleurs) être prises en considération par l'autorité administrative en charge de l'élaboration du document, ce qui peut donner lieu à quelques modifications (limitées seulement) au terme de l'enquête publique.

 

 

Un PLU ou un PLUi peut présenter un impact majeur en ce qu'il a pour objet, notamment, de déterminer le classement de chaque parcelle du territoire, en zones et secteurs qui peuvent être largement ou pas du tout constructibles, avec de nombreuses nuances.

 

Ainsi, l'article L 151-9 du code de l'urbanisme prévoit que :

« Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger.

Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire.

Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ». 

 

Lorsqu'un fonds est classée en zone naturelle ou agricole, inconstructible ou quasiment dans la plupart des cas (sauf diverses exceptions strictement encadrées, notamment pour les agriculteurs, et encore à certaines conditions), cela peut entraîner certaines contrariétés aux projets de vie ou immobiliers définis à l'origine par son ou ses propriétaires.

 

Cela implique parfois l'introduction d'un contentieux aux fions de solliciter l'annulation du document d'urbanisme.

 

 

Les documents de planification urbaine pouvant être entachés d'illégalité, comme toute décision administrative, diverses possibilités existent pour essayer d'obtenir leur annulation.

 

Il est bien entendu préférable d'essayer de convaincre l'administration, préalablement à l'adoption du PLU ou du PLUi, du caractère inadapté du classement projeté d'un terrain au moment de la concertation ou de l'enquête publique, mais cela n'est pas toujours simple ou possible.

 

Reste alors la voie contentieuse.

 

Le document d'urbanisme étant adopté par une délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant du groupement de communes, c'est cette décision dont l'annulation doit être sollicitée devant le tribunal administratif compétent.

 

Les PLU ou PLUi sont composés de nombreux documents, l'article L 151-2 du code de l'urbanisme précisant que :

« Le plan local d'urbanisme comprend :

1° Un rapport de présentation ;

2° Un projet d'aménagement et de développement durables ;

3° Des orientations d'aménagement et de programmation ;

4° Un règlement ;

5° Des annexes ». 

 

Les documents dont il est question sont complexes et souvent très longs (des centaines de pages dans le cas des PLUi notamment), ce qui à la fois crée des difficultés et donne des possibilités pour contester la légalité.

 

Peuvent être soulevés à l'encontre du plan local d'urbanisme des moyens (arguments de droit) qualifiés « d'illégalité externe », se rapportant aux règles de forme et de procédure, et des moyens « d'illégalité interne », concernant plutôt la pertinence des choix de fond opérés par les auteurs du PLU (par exemple classement d'un terrain dans telle zone ou secteur, surface globale ouverte à l'urbanisation, prise en compte des risques naturels ou des besoins en logement, etc).

 

 

Pour pouvoir saisir le tribunal administratif d'une demande d'annulation d'un PLU, il faut d'abord présenter un intérêt à agir, ce qui est le cas des habitants d'une commune ou des propriétaires de terrains sur son territoire, parfois d'une commune voisine, ou encore de certaines associations si leur objet le permet.

 

Le délai de recours est de deux mois.

 

Comme l'a rappelé la cour administrative d'appel de Marseille dans une décision du 13/05/2016 (n° 15MA00095), « le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre d'une délibération qui, comme en l'espèce, approuve un plan local d'urbanisme, court, quelle que soit la date à laquelle le plan local d'urbanisme devient exécutoire, à compter de la plus tardive des deux dates correspondant, l'une au premier jour d'une période d'affichage en mairie d'une durée d'un mois, l'autre à l'insertion effectuée dans la presse locale ».

 

Il est possible dans ce délai soit de saisir directement le tribunal administratif, soit d'adresser au Maire ou au Président du groupement de communes un recours gracieux par lequel il lui est demandé de retirer la décision ; en cas de rejet du recours gracieux (un rejet expresse peut intervenir dans les deux mois de sa réception et un rejet tacite est caractérisé à défaut de réponse dans le même délai de deux mois) un nouveau délai de deux mois va courir pour saisir le tribunal administratif.

 

 

Il existe néanmoins une autre manière de contester, hors délai, un plan local d'urbanisme.

 

Ainsi, aux termes de article L 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, « l'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures ».

 

En vertu de ce principe, il est envisageable de demander à tout moment au Maire de procéder à l'abrogation d'une décision approuvant un plan local d'urbanisme, et une jurisprudence constante admet la possibilité d'exercer un recours pour excès de pouvoir contre la décision du Maire refusant d'abroger une telle délibération.

 

Le  Conseil d'Etat a récemment fait application du principe par un arrêt du 24 mars 2021 (n° 428462) et la cour administrative d'appel de Marseille par une décision du 23 juin 2022 (n° 21MA00785).

 

la jurisprudence a eu l'occasion de préciser que « si le conseil municipal est seul compétent pour abroger tout ou partie du plan local d'urbanisme de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l'abrogation d'un plan local d'urbanisme ou de certaines de ses dispositions. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si les dispositions dont l'abrogation est sollicitée sont elles-mêmes légales. Dans l'hypothèse inverse, en effet, il est tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de prononcer l'abrogation des dispositions illégales » (CAA Marseille, 18 juin 2019, n° 19MA00261 reprenant notamment un avis du Conseil d'Etat du 2 octobre 2013, n° 367023).

 

Il est constant également qu' « ont intérêt à contester le refus de modifier ou d'abroger un acte réglementaire les personnes qui auraient eu intérêt à former un recours à l'encontre de cet acte lui-même. Un habitant d'une commune ainsi qu'un propriétaire de parcelles sises sur le territoire de cette dernière justifient à ce titre d'un intérêt leur donnant qualité à contester le plan local d'urbanisme dans l'ensemble de ses dispositions » (CAA Marseille, 13 octobre 2022, n° 20MA00305).

 

Le Conseil d'Etat est venu préciser en outre que « si, dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire intervenant après l'expiration du délai de recours contentieux contre cet acte, par la voie de l'exception ou sous la forme d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux » (arrêt du 24 mars 2021 précité).

 

Autrement dit, s'il est possible de critiquer sans limites la légalité interne du plan local d'urbanisme, la critique de la légalité externe est limitée dans le cadre de la procédure introduite en suite d'un refus d'abrogation.

 

Ainsi, par exemple, en application de ce principe la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu considérer que :

« Il s'ensuit que la SCI du circuit de Gasques ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé le 5 avril 2016 à sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune, en tant qu'il classe des parcelles lui appartenant en zone agricole, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme par la délibération du 9 décembre 2005 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune de Gasques et du non-respect des mesures de concertation prévues avant l'adoption de la délibération du 4 décembre 2009 approuvant le plan local d'urbanisme. Elle ne peut davantage utilement invoquer les moyens tirés de l'insuffisante publicité de l'avis d'enquête publique au regard des exigences des articles R. 123-14 et R. 123-19 du code de l'urbanisme, de la méconnaissance par le commissaire enquêteur des exigences de l'article R. 123-22 du code de l'environnement, et de ce que le projet de plan local d'urbanisme aurait été substantiellement modifié après l'enquête publique, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme » (décision du 15 février 2019, n° 17BX03604).

 

En dépit de cette restriction, le mécanisme de la contestation de la demande d'abrogation est parfois précieux, en particulier lorsque les délais de recours contentieux à l'encontre d'une décision sont expirés.

 

Victor de CHANVILLE

Avocat à Aubagne

 

 

 

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