Victor de Chanville

Avocat au Barreau de Marseille

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Action en démolition de la construction conforme à une autorisation d'urbanisme


Catégorie : Contentieux locatif

L'article L 480-13 du code de l'urbanisme prévoit la possibilité devenue classique, dans le cadre d'une action en justice introduite devant les juridictions civiles, d'obtenir la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire si celui-ci a dans un second temps été annulé par le tribunal administratif.

 

Cette action doit être fondée sur la violation par le bâtiment litigieux de règles d'urbanisme ou de servitudes d'utilité publique.

 

Elle implique de démontrer l'existence d'un préjudice personnel et d'un lien de causalité directe et certaine entre ce préjudice et la violation de la servitude ou de la règle d'urbanisme alléguée, ce qui conduit à l'application des dispositions de l'article 1240 du code civil aux termes desquelles « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ; la seule existence de la construction litigieuse combinée à la méconnaissance d'une règle d'urbanisme n'est ainsi pas suffisante pour en obtenir la démolition.

 

 

Plus précisément, l'article L 480-13 du code de l'urbanisme prévoit que :

 

« Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

 

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones suivantes :

 

a) Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés à l'article L. 122-9 et au 2° de l'article L. 122-26, lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols ;

 

b) Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques mentionnés à l'article L. 146-6, lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols, sauf s'il s'agit d'une construction en bois antérieure au 1er janvier 2010, d'une superficie inférieure à mille mètres carrés, destinée à une exploitation d'agriculture biologique satisfaisant aux exigences ou conditions mentionnées à l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime et bénéficiant d'une appellation d'origine protégée définie à l'article L. 641-10 du même code ;

 

c) La bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares mentionnée à l'article L. 122-12 du présent code ;

 

d) La bande littorale de cent mètres mentionnée aux articles L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19 ;

 

e) Les cœurs des parcs nationaux délimités en application de l'article L. 331-2 du code de l'environnement ;

 

f) Les réserves naturelles et les périmètres de protection autour de ces réserves institués en application, respectivement, de l'article L. 332-1 et des articles L. 332-16 à L. 332-18 du même code ;

 

g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 dudit code ;

 

h) Les sites désignés Natura 2000 en application de l'article L. 414-1 du même code ;

 

i) Les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé ;

 

j) Les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement instituées en application de l'article L. 515-8 du code de l'environnement, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages ;

 

k) Les périmètres des servitudes sur des terrains pollués, sur l'emprise des sites de stockage de déchets, sur l'emprise d'anciennes carrières ou dans le voisinage d'un site de stockage géologique de dioxyde de carbone instituées en application de l'article L. 515-12 du même code, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages;

 

l) Les sites patrimoniaux remarquables créés en application des articles L. 631-1 et L. 631-2 du code du patrimoine ;

 

m) Les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du même code ;

 

n) Les secteurs délimités par le plan local d'urbanisme en application des articles L. 151-19 et L. 151-23 du présent code.

 

L'action en démolition doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;

 

2° Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux ».

 

Il ressort de la rédaction de ce texte que sont uniquement concernés les permis de construire (à l'exclusion d'autres autorisations d'urbanisme) et les projets situés dans certaines zones particulières faisant l'objet d'une protection au titre du patrimoine, de la protection de l'environnement ou de leur caractère naturel.

 

 

Les dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme peuvent – évidemment – être invoqués lorsque la règle d'urbanisme méconnue est une règle de fond.

 

Mais il est notable que la démolition est envisageable en cas de vice de procédure ; soulignons qu'il sera bien plus complexe d'établir un lien de causalité directe entre la méconnaissance d'une règle d'urbanisme et un préjudice.

 

La cour de cassation a jugé le 11 janvier 2023 (Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 janvier 2023, 21-19.778) que :

 

« Toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l'action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.

Pour rejeter les demandes, l'arrêt relève qu'il s'évince de l'arrêt du 26 janvier 2017 de la cour administrative d'appel que l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2013 était motivée par une insuffisance de l'étude d'impact relative à la présence d'un couple d'aigles royaux dans le massif de l'Escandorgue au moment où le préfet de l'Hérault a pris cet arrêté.

Il en déduit que la construction du parc éolien de [Localité 4] n'a pas été édifiée par la société ERL en méconnaissance de règles d'urbanisme ni de servitudes d'utilité publique applicables en l'espèce, véritables règles de fond en matière d'utilisation des espaces et non simples règles de procédure, au sens de l'article L. 480-13, a), du code de l'urbanisme.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

 

 

Comme cela a été dit, seuls les permis de construire sont concernés à l'exclusion notamment des déclarations préalables.

 

A titre d'illustration, la cour de cassation a jugé à cet égard que c'est à bon droit qu'une cour d'appel a retenu la demande en démolition formée par une association en retenant que « les dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme ne bénéficient qu'aux propriétaires ayant obtenu un permis de construire et non à ceux qui, ayant déposé une déclaration de travaux, bénéficiaient d'une décision, tacite ou expresse, de non-opposition » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 avril 2018, 17-16.645 ).

 

Autrement dit il est possible, lorsque les travaux ou le projet litigieux ont été autorisés par une décision de non-opposition à déclaration préalable, d'en obtenir la démolition même si la décision n'a pas été annulée et si le projet n'est pas situé au sein d'un secteur protégé relevant de ceux définis par 'larticle L 480-13 du code de l'urbanisme.

 

 

Il est notable qu'en cas de méconnaissance des règles ou servitudes d'urbanisme il est possible d'obtenir la démolition de la construction litigieuse non seulement sur le fondement des dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme mais également sur celui des troubles anormaux de voisinage, ce qui peut présenter un intérêt majeur lorsque la construction concernée n'est pas située dans un secteur faisant l'objet de l'une des protections prévues par l'article L 480-13.

 

Un arrêt de la cour de cassation du 20 octobre 2021 (n° 19-23.233) offre l'illustration suivante.

 

Une des parties à la procédure a construit une extension de sa maison conformément à deux permis de construire ensuite annulés par la juridiction administrative.

Les propriétaires d'une maison voisine, se plaignant de ce que l'extension leur causait un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, ont assigné en démolition le propriétaire de la maison ayant fait l'objet de l'extension.

 

La cour d'appel ayant fait droit à leurs demandes, un pourvoi en cassation a donc été formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel, à qui il a été fait grief de prononcer une condamnation à démolir l'extension sous astreinte, alors que:

 

« l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme s'applique à l'action en responsabilité civile tendant à la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme, y compris lorsqu'est invoqué un trouble anormal de voisinage résultant de cette violation ; qu'en relevant, pour ordonner la destruction sur le fondement des troubles de voisinage, que l'extension litigieuse avait été construite en limite de propriété alors que le plan local d'urbanisme imposait, sauf exception, une distance de recul et qu'il en résultait un trouble anormal de voisinage consistant dans une perte de vue et d'ensoleillement, après avoir pourtant relevé qu'il n'était pas allégué que la construction en cause se situait dans l'un des périmètres dans lesquels la destruction peut être prononcée par le juge en vertu de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les disposition de cet article. »

 

La cour de cassation a écarté la contestation de la manière suivante :

 

« La cour d'appel a relevé que l'extension de la maison avait été construite en limite de propriété, dans une zone de faible densité urbaine, sur une longueur de dix-sept mètres, pour une emprise au sol de soixante-dix mètres carrés et une hauteur de quatre mètres.

Elle a constaté qu'au lieu d'une vue dégagée sur les collines, [les voisins] avaient désormais vue sur un mur de parpaings et que la nouvelle construction faisait de l'ombre à leur piscine.

Elle en a déduit que la nouvelle construction [leur causait] un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, sans qu'il fût besoin de rechercher si une faute avait été commise.

Les dispositions de l'article L. 480-13, 1°, du code de l'urbanisme ne s'appliquant qu'aux demandes de démolition fondées sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, c'est sans violer ce texte que la cour d'appel, appréciant souverainement les modalités de la réparation du trouble anormal du voisinage qu'elle constatait, a ordonné la démolition de la construction litigieuse ».

 

 

Pour terminer, il faut bien entendu distinguer les actions en démolition fondées sur les dispositions du code civil et celles prononcées au pénal pour construction sans autorisation ou non conformes à une autorisation d'urbanisme.

 

C'est ici une infraction pénale qui est concernée et, si les travaux ont été réalisés alors qu'une autorisation d'urbanisme était en vigueur (permis de construire, d'aménager, de démolir, ou décision de non-opposition à déclaration préalable), il n'y aura pas démolition même si ladite autorisation est ensuite annulée ; en effet, il ne peut y avoir infraction pénale puisque les travaux n'étaient pas illégaux lorsqu'ils ont été effectués.

 

 

Victor de Chanville

Avocat à Aubagne

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