Victor de Chanville

Avocat au Barreau de Marseille

141 avenue du 21 Août 1944 - 13400 Aubagne   |   Tél: 04-84-48-98-60




Expulsion et indemnité d'occupation


Catégorie : Droit immobilier

Un bail – d'habitation, commercial, professionnel etc – est classiquement conclu en contrepartie du paiement d'un loyer par le locataire, ce qui constitue la principale obligation de ce dernier, à côté bien entendu de celles lui imposant de jouir paisiblement des lieux sans les dégrader ni sans en modifier l'usage, de payer les éventuelles charges dues en sus du loyer, ou encore d'assurer le local ou logement.

 

De son côté, le bailleur est bien entendu tenu pour sa part de nombreuses obligations, telles que fournir des locaux en bon état ou encore faire le nécessaire pour assurer la jouissance paisible du locataire.

 

 

La résiliation du bail et l'expulsion du locataire peuvent être sollicitées en justice en cas de manquement de celui-ci à ses obligations, autrement dit de faute dans l'exécution du contrat ; si le motif se rapporte à un défaut de paiement des loyers et charges, le jeu de la clause résolutoire éventuellement prévue au bail peut être sollicité en cas de mise en demeure infructueuse, ce qui permet d'agir en référé et d'obtenir souvent une expulsion plus rapide.

 

L'expulsion est en effet très régulièrement prononcée en dépit de la circonstance que les tribunaux sont souvent très favorables aux locataires, en particulier dans le cadre des baux d'habitation (régis par la loi du 6 juillet 1989), permettant notamment très fréquemment des régularisations de loyers impayés.

 

En ce sens, il est notable que l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 applicable aux baux à usage d'habitation, dispose en son alinéa V que :

« Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation  »,

 

l'article 1345-5 du code civil disposant quant à lui que « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues ».

 

Il est très souvent fait application de ces dispositions, ce qui laisse régulièrement la faculté à un locataire mauvais payeur de régulariser la situation par des versements mensuels (mais la décision de justice prévoit souvent qu'à défaut du paiement d'un seul terme de loyer ou d'échéancier il peut être procédé à l'expulsion sans avoir à saisir à nouveau le Juge).

 

 

Une fois la décision d'expulsion obtenue, le départ du locataire n'est toutefois pas immédiat.

 

Même s'il lui est tout à fait possible de quitter les lieux spontanément afin d'éviter que les difficultés ne s'accumulent, il faut d'abord lui faire signifier par Huissier de justice la décision prononçant l'expulsion ainsi qu'un commandement de quitter les lieux, et attendre l'expiration du délai fixé par ledit commandement (tout en attendant éventuellement aussi le terme de la trêve hivernale si cette période est concernée, 

l'article L 412-6 du code des procédures civiles d'exécution disposant que « nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille »).

 

Ensuite, en cas de refus du locataire de quitter les lieux, il faut obtenir le concours de la force publique pour que l'expulsion puisse avoir lieu, ce dont l'Huissier de justice se charge habituellement auprès de la Préfecture du lieu de situation de l'immeuble concerné (précision étant faite qu'en cas de refus du Préfet de faire intervenir la force publique le propriétaire du local ou logement concerné peut obtenir une indemnisation de son préjudice).

 

 

Si le locataire se maintient dans les lieux faute d'être parti spontanément ou d'avoir fait l'objet d'une mesure d'expulsion, il devient occupant sans droit ni titre.

 

Il n'est donc plus redevable d'un loyer mais la décision prévoyant l'expulsion doit prévoir (si cela est demandé au tribunal bien entendu mais c'est toujours le cas) le paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux.

 

Cette indemnité d'occupation correspond en général au montant du loyer majoré des charges, autrement dit à ce qui était prévu par le bail.

 

La décision d'expulsion peut prévoir son indexation conformément à celle qui aurait concerné le loyer prévu au bail, ce que la cour de cassation rappelle dans une décision du 4 juillet 2017 (n° 17-70.008 ) :

 

« Vu la demande d'avis formulée le 24 avril 2017 par le tribunal d'instance de Dieppe, reçue le 4 mai 2017, dans une instance opposant l'OPH Habitat 76 à M. et Mme X..., et ainsi libellée :

 

"L'indemnité d'occupation due par le locataire après acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail, peut-elle faire l'objet d'une indexation sur un indice déterminé dans le contrat résolu ? A défaut, le principe de la réparation intégrale du préjudice justifie-t-il de pouvoir retenir une indexation de cette indemnité d'occupation ?"

 

(...)

 

MOTIFS :

 

La question ne présente pas de difficulté sérieuse dès lors que les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour évaluer le montant d'une indemnité due par un occupant sans droit ni titre et peuvent donc, conformément au principe de la réparation intégrale, l'assortir des modalités qu'ils estiment nécessaires ».

 

 

Aux termes d’un arrêt plus récent du 1er juin 2022 (n° 21-12.747), la cour de cassation rappelle le principe très classique selon lequel tant que les locaux loués ne sont pas libérés par l’occupant, une indemnité d’occupation est due au bailleur ; cela est valable même si le locataire est parti mais n'a pas restitué les clés ou a laissé dans les locaux ses affaires empêchant leur reprise, et le paiement de ladite indemnité est obligatoire même si la décision d'expulsion n'a pas été exécutée (elle doit bien entendu avoir été signifiée par Huissier de justice tout de même).

 

La circonstance que soit concerné un simple sous-locataire est dépourvue d’incidence dès lors que la décision d’expulsion s’appliquait au locataire et à tous occupants de son chef.

 

La cour indique ainsi :

 

« Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

 

Il résulte de ce texte que le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour celui qui en est victime.

 

Pour fixer au mois d'octobre 2016, le terme de l‘exigibilité de l'indemnité d'occupation au paiement de laquelle il a condamné la société La Cas'a meubles, l'arrêt retient que la présence de cette société en qualité de sous-locataire n'est attestée qu'à compter du 18 septembre 2014 et que la société OPI pouvait anticiper la reprise des lieux à partir de l'arrêt du 23 septembre 2016, puisque l'expulsion de tout occupant du chef de M. [W] était autorisée indépendamment de toute remise des clés et que le paiement d'une indemnité d'occupation ne saurait raisonnablement dépasser la période de septembre 2014 à octobre 2016 inclus, soit vingt-six mois.

 

En statuant ainsi, après avoir constaté qu'il ressortait du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 2 novembre 2017 que les lieux n'avaient pas été débarrassés complètement et, alors que l'absence de mise à exécution d'une décision d'expulsion n'exonère pas l'occupant sans droit ni titre de son obligation de réparer le préjudice né de son maintien indu dans les lieux qui ne cesse qu'au jour de leur libération effective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

 

Il est notable que cette solution est applicable à tout type de bail, commercial, d’habitation ou de droit commun.

 

 

En définitive, même s'il n'est pas toujours facile d'être bailleur, des protections existent malgré tout.

 

Rappelons pour terminer qu'il convient de bien respecter les formes légales et réglementaires pour obtenir l'expulsion d'un locataire, depuis le commandement de payer jusqu'au commandement de quitter les lieux, en passant par l'assignation.

 

L'intervention d'un avocat est donc souhaitable afin de ne pas perdre du temps en engageant des frais inutiles pour une procédure qui en définitive ne portera pas ses fruits.

 

Victor de Chanville

Avocat à Aubagne

 

 

Victor de CHANVILLE

Avocat à Aubagne

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